La chair de poule #1

Les coureurs sont dans l'arène. Entre applaudissements et sifflets, la présentation des équipes jeudi résume les relations ambivalentes entre peloton et public. Première chronique de notre voix à l'intérieur du peloton, Jérémy Roy.

« Nous ne sommes pas encore coureurs du Tour de France. Jeudi, j'étais un peu acteur. Pour la présentation des équipes, nous sommes entrés dans l'arène romaine du Puy du Fou entre gladiateurs et chevaliers. C'était amusant et original d'être au milieu de la scène, dans un bain d'applaudissements. A en avoir la chair de poule. C'était la meilleure présentation à laquelle j'ai participé : l'an dernier à Rotterdam, c'était nul. On avait roulé sur un pont et on s'était retrouvé devant un nombre limité de notables. Le public était loin derrière des barrières. A Monaco, ce n'était pas mieux : personne ne pouvait se garer en ville et les tribunes du circuit de F1 étaient loin d'être remplies quand on était passé devant. Ce type de show ne révolutionne pas le vélo mais modernise l'image du sport, casse la routine.

Se faire traiter de tous les noms, je connais. Nous étions déjà dans le bus quand Alberto Contador a été hué. Cette réaction, c'est dommage. Je comprends que le grand public a une image trouble de ce qui passe depuis son contrôle positif au clenbuterol. J'aurais préféré qu'ils n'applaudissent pas s'ils ne le voulaient pas. Se faire traiter de tous les noms, je connais. Les insultes, on peut en avoir à longueur d'années, quel que soit le coureur, quelle que soit l'équipe. C'est le cyclisme qui trinque. Paradoxalement, sur le Tour, c'est une très grande majorité de messages positifs. C'est souvent sur les petites courses quand on dérange le mec du coin en bloquant sa route qu'on en prend plein dans la gueule. On ne veut pas y prêter attention mais ça déstabilise quand même.

Il y a aussi ces spectateurs bien intentionnés qui nous jettent de l'eau glacée dans le visage ou sur le dos les jours de grande chaleur. Il faudrait peut-être savoir que ce n'est pas toujours agréable surtout avec la différence de vitesse. Et je ne parle pas des tapes dans le dos qui ne sont amicales que dans le principe. Je ricane mais les milliers de spectateurs le long des routes, c'est un énorme plaisir. Je me souviens de mon premier Tour : j'ai été échappé au Tourmalet puis vers Montluçon, où je finis deuxième derrière Chavanel. A chaque fois, des tonnerres d'applaudissements et une sensation unique d'euphorie, d'avoir des ailes, de ne plus sentir ses jambes de ne plus être soi-même. Mais le grand frisson pour mon baptême du Tour, c'était les Champs-Elysées. La Tour Eiffel au coin de l'oeil, l'Arc de Triomphe au bout de la route et la clameur qui monte quand on entre sur l'avenue. C'est l'arrivée. C'est dans trois semaines.»