Pas bidon #12

Journée orageuse dans le peloton mardi entre Aurillac et Carmaux pour Jérémy. Mais aussi au bord de la route où les spectateurs ont un mot d'ordre et se font entendre.

"C'est sans contestation possible le mot que j'entends le plus au cours d'une journée du Tour de France, du petit-déjeuner au retour dans la chambre d'hôtel, aussi bien par les assistants de l'équipe que par les spectateurs : « bidon ». Avant même de monter sur le vélo, c'est d'abord la préparation des boissons et du ravitaillement. «bidon d'eau, poudre ou sirop ? » Personnellement, je prends mes deux rations de boisson énergétique au départ, je demande un petit sirop au ravitaillement et je me permets une petite canette de Coca bien fraîche les jours de chaleur. Au total, cela fait sept bidons descendus sur une étape courte mais chaude comme celle entre Aurillac et Carmaux... Jusqu'à dix les jours de canicule en montagne où on n'hésite pas à s'arroser la tête (sans sirop). Et je peux l'assurer sans me tromper : ils finissent dans les mains des spectateurs.

Le gag commence même avant le premier coup de pédale. Au village-départ, les spectateurs viennent déjà nous voir « Donnez-moi votre bidon, votre bidon. » Euh... je préfère quand même partir avec le plein c'est mieux. En cours d'étape, cela revient comme un refrain tous les cent mètres ... « un bidon ! » « la gourde ». On a même des pancartes, des affiches installées pour récupérer le magot. Pour faire des supporters heureux, j'évite de jeter mes bidons dans la pampa, j'attends de voir des spectateurs pour leur offrir mes bidons. Pas si évident car si le bord de la route est trop peuplé, la quête du bidon devient une bagarre rangée. Je ne devrais peut-être pas le dire mais cela nous fait bien rire de temps en temps ces batailles de chiffonniers... Comme si ces bidons qu'on trouve dans le commerce étaient devenus des reliques saintes.

Le dernier barrage filtrant à passer est l'arrivée. On a le temps de prendre une petite boisson avec le kiné dans le sas d'arrivée avant de replonger dans le public. Et là le « donne-moi ton bidon » en deviendrait presque agressif. Des fois, c'est un supporter pickpocket qui essaie de chiper le bidon sur le vélo mais j'essaie de rattraper la main au vol en jetant un regard culpabilisateur. Si les gamins sont timides et osent à peine demander, les papys sont vraiment les pires ! Les plus malins nous jurent qu'ils viennent récupérer un cadeau pour leurs petits-enfants alors qu'ils ont leur collection : je les repère vite le sac à dos plein de bidons sur leurs épaules. Même s'ils sont parfois agressifs, ils sont quand même moins vexants que les spectateurs qui nous lancent « Allez les fainéants, allez les fainéants». J'ai tendu l'oreille mais pour l'instant, je n'ai pas entendu un « t'es bidon »."