Et la mer s'ouvre #13

Après une nouvelle galère sous la pluie, Jérémy Roy et le peloton attaquent les Pyrénées jeudi. Une étape de montagne mais aussi une journée à la mer pour les chanceux.

"Je ne suis pas sûr d'apparaître dans les communiqués officiels du jour mais j'ai bien fait la course pendant les premiers kilomètres mercredi. J'ai pointé mon casque dans trois, quatre attaques avant de voir passer sous mon nez un beau contre de Mickaël Delage... J'ai fermé la porte derrière lui et la bonne échappée est partie. Sans rancune pour Mickaël qui devient le grand baroudeur de l'équipe et du Tour, avec plus de 500 km en tête de la course. Ensuite, j'ai quand même essayé de m'occuper de notre nouveau leader pour le général Arnold Jeannesson. Je l'ai remonté une fois dans le peloton dans le vent après une pause-pipi mais je n'ai pas vraiment eu besoin de l'aider à se replacer dans le peloton : il frotte mieux que moi pour garder sa place.

Si je veux aider Arnold ou Sandy jeudi, j'ai plus intérêt à prendre de l'avance sur la route de Luz Ardiden. Je me prépare à une grosse bagarre lors de la première heure pour prendre l'échappée au long cours et ensuite place aux petits braquets (38x25 pour moi et mon petit moteur) et à l'écrémage dans les premiers cols. Le Tourmalet par la Mongie, c'est un bon souvenir pour moi : mon premier Tour de France en 2008, ma première échappée avec un certain Fabian Cancellara dans le groupe... J'avais franchi le col en deuxième position derrière mon coéquipier Rémy Di Gregorio. Dans la vallée, on s'était fait rejoindre et dépasser par le même Cancellara tirant à grande vitesse Frank Schleck et le peloton des favoris.

Autour de nous, une foule non pas enthousiaste, mais folle. Deux rangées de spectateurs qui ferment la route, brandissent leurs drapeaux comme une mer agitée qui s'ouvre au dernier moment devant notre roue. Rassurez-vous, je ne me prends pas pour Moïse mais cela offre une belle décharge d'adrénaline. C'est sans doute le summum, même si l'euphorie et le surrégime ne sont jamais loin. Après notre première dizaine de jours dans la plaine, je n'ai pas spécialement d'appréhension avant la montagne. J'espère juste ne pas lâcher dans le premier et échapper au gruppetto des sprinteurs. Pouvoir me faire plaisir dans les ascensions : sentir quand on est dans le bon rythme, se prendre au jeu, ne rien lâcher. Au final, je me battrai peut-être pour la 50e place. Comme pour les spectateurs au bord de la route, l'essentiel c'est de ne pas trébucher."