Allez Jimmy ! #14

La FDJ et Jérémy Roy respectent les traditions du 14 juillet : la Marseillaise résonne et l'échappé défile devant les encouragements parfois approximatifs.

"Le 14 juillet est une journée de rites et traditions. Pour moi, sur le Tour de France, c'est la parade dans une échappée, en 2008 vers Hautacam, cette fois-ci vers Luz-Ardiden. Mais avant cela, l'étape commence toujours dans une ambiance tragi-comique dans le bus quand Marc Madiot sort un CD plein de poussière pour nous faire écouter deux morceaux, La Marseillaise et le Chant des Partisans. Rien d'ironique dans la démarche de Marc : il est tellement concentré pendant l'hymne national qu'il en devient comique. On le regardait avachis dans nos sièges. Dès l'itinéraire défilé, je me place au premier rang et j'ai suivi la première échappée qui est devenue la bonne. Cela n'a pas été une évidence : on a insisté pendant une dizaine de kilomètres pour creuser un petit écart et ensuite on a finalement convaincu le peloton de nous laisser un peu de liberté.

J'ai pris le temps de juger l'opposition dans l'échappée : je savais que Gutierrez et Mangel étaient à ma poigne dans la montagne ; je me posais un peu plus de questions sur les capacités de grimpeurs de Kadri, Perez et Thomas. Je me suis même fait un peu peur quand le coureur de Sky nous a mis un gros tempo dans la première bosse. J'ai pensé que j'allais passer par la fenêtre : ça sentait le retour dans le peloton et la journée dans le gruppetto pour moi. Finalement, on a bien roulé ensemble. On a bien galéré pour passer les cinq minutes d'avance et on eu le droit à plus de 7 minutes finalement.

« Ouvrir la course du Tour de France dans une étape de montagne, c'est magique. »Dans le Tourmalet, tout le monde commençait à tirer un peu la langue : les relais étaient plus courts. Quand Kreuziger est revenu à moins de 30 secondes, j'ai appuyé les relais, relayé par Thomas. On s'est retrouvé à trois puis à deux. Il m'a distancé dans la traversée de la Mongie mais je ne voulais pas me mettre dans le rouge. Je l'ai repris à mon rythme, fixé sur ma puissance (380 watts), et j'ai basculé en tête au sommet... Un clin d'oeil : en 2008, je n'étais que deuxième au passage. Ouvrir la course du Tour de France dans une étape de montagne, c'est magique. La voiture ouvreuse avait dû raconter la course, les spectateurs devaient regarder la télé ou suivre la radio car à chaque coup de pédale, j'entendais scander mon nom. « Allez Roy, Vas-y. » Je me fais doucement un nom dans le public mais pour le prénom, il y a encore un peu de travail : j'entendais des « Allez Jimmy, allez Jérôme ». Blel Kadri qui était échappé avec moi était moins bien loti : en voyant son maillot AG2R, les gens le prenaient pour John Gadret ! Malgré les encouragements, notre avance n'a pas pesé lourd dans la dernière montée. J'ai tout donné jusqu'à ce que les favoris me rejoignent. Ensuite, je me suis empressé de donner mon bidon à Arnold (Jeannesson) et de lui souffler un encouragement avant de débrancher. J'ai joué au bon équipier mais j'ai fini sans boire, sans vraiment manger. Avachi en début, ratatiné à l'arrivée."