Présenté comme l'ingénieur cycliste du peloton, Jérémy Roy raconte son parcours original même s'il oublie sa formation cartésienne dès qu'il se retrouve en compétition.
Pour les speakers, pour la télé, pour les journalistes, je suis présenté comme « le cycliste-ingénieur ». Certes, j'ai un diplôme de l'Insa en génie mécanique et automatique mais c'est une partie de ma vie que je laisse totalement de côté quand je suis sur un vélo. Tout au long, je ne suis qu'un coureur professionnel. Ce sont même deux facettes opposés de ma personnalité : l'ingénieur en moi est rigoureux, méthodique ; le coureur en moi ne calcule pas, vit et essaye de gagner par l'attaque, par l'effort qui semble irrationnel. Cette étiquette semble avoir du succès car elle tranche avec l'image du cyclisme comme un sport populaire, voire prolétaire, en opposition aux disciplines plus bourgeoises...
J'ai été le premier étudiant à intégrer la fondation FDJ en 2003, à 20 ans, entrant à l'époque dans une démarche iconoclaste. A l'époque, seul Cédric Vasseur s'était lancé dans des études d'ingénieur mais n'avait pas fini la formation. Après le bac, je voulais suivre une filière qui me laissait le plus de portes possibles ouvertes. J'ai intégré la prépa intégrée à l'Insa Lyon qui avait une classe pour les sportifs de haut niveau. J'ai ensuite suivi un cursus classique à Rennes sur trois ans. Je suivais les cours comme tous les étudiants et j'enfourchais mon vélo dès que possible : parfois le matin entre 6h30 et 9h00, souvent entre midi et deux, mais aussi le jeudi après-midi. Le week-end et pendant les vacances, je rentrais chez moi pour aussitôt filer sur les courses... Je suis passé professionnel mais j'ai concilié les deux pendant trois ans.
J'ai toujours voulu suivre une carrière sportive mais obtenir un diplôme passait avant. Depuis que j'ai fini ma formation, l'ingénieur est en hibernation prolongée. J'ai même eu peur que mon diplôme se dévalorise : j'ai profité de mon droit individuel à la formation pour suivre un stage l'hiver dernier. J'ai passé une semaine à Chambéry pour une formation sur les matériaux composites, à pratiquer le carbone. Cela me manque parfois sur le vélo : j'aimerais bien faire quelque chose de mes mains. Pour l'instant, je ne sais pas ce que je ferai après ma carrière de professionnel. Je ne m'envisage nulle part. Peut-être intégrer un bureau d'études ou un laboratoire de recherche. Pas forcément rompre avec l'univers du vélo : je pourrais travailler dans la recherche de performance, sur la conception de vélo. Méthodiquement, rigoureusement. Le cycliste ingénieur devenu l'ingénieur cycliste."