S'il a roulé avec Gilbert et Boasson Hagen au long de la 19e étape, Jérémy Roy revient sur les alliances improbables qui se nouent pendant le Tour et tout au long de la saison.
"Cette 19e étape était une journée où j'avais peu à gagner, tout à perdre. Avant le départ, j'étais stressé comme la majorité de mes coéquipiers à l'idée d'avoir une journée sans et de passer à la trappe. Je me suis accroché dans le Télégraphe pour essayer de passer le col dans le premier peloton et dans le Galibier, on s'est retrouvé à trois avec Philippe Gilbert et Edvald Boasson Hagen. On n'a jamais pu rentrer sur le groupe Voeckler avant l'Alpe d'Huez et on a donc fait la plus grande partie de la journée à trois : je m'entends bien avec Philippe depuis ses années FDJ. Edvald, je le connais à peine, je l'avais juste félicité pour ses résultats. J'ai donc roulé une bonne partie de la journée avec des gars qui ne sont pas de mon équipe. Mais au moins on avait un intérêt commun : on a fini sereinement dans les délais, sûrs de voir Paris et les Champs-Elysées.
Souvent, en troisième semaine de Tour, on assiste à des stratégies de courses, individuelles ou collectives, assez obscures. Les équipes commencent à rouler pour des classements annexes, le maillot blanc, le classement par équipes ou des raisons encore plus ésotériques. En conséquence, on assiste à des mariages de la carpe et du lapin. Après le Galibier, Sandy Casar a roulé en tête du groupe Evans - qui poursuivait le duo Andy Schleck/Contador - afin d'aider Arnold Jeannesson à distancer Rein Taaramae et Jérôme Coppel, deux candidats pour le maillot blanc. Parfois, ce sont de vieilles amitiés qui transcendent les équipes et la solidarité nationale qui prime : c'était le cas ce vendredi avec Jérôme Pineau qui a aidé Thomas Voeckler, son ancien coéquipier, à tenir le rythme à la fin du Télégraphe. Moi-même, j'aurais poussé mes relais à fond dans la montée. Dans une échappée, cela peut parfois jouer entre Français, on peut se dire : si tu attaques, je ne roulerai pas derrière toi, mais je contrerai. C'est le type d'alliance qui ne réjouit pas nos directeurs sportifs.
Il y a aussi des alliances qui n'ont pas de raison sportive directe : cela peut être un renvoi d'ascenseur prochain, cela peut tout simplement offrir un bel avantage financier. Jeudi, Dries Devenyns (Quick Step) s'est dépensé sans compter pour aider Andy Schleck (Leopard) à accroître son avance dans le faux-plat avant le Galibier. Peut-être Devenyns recevra-t-il une belle prime venue du Luxembourg, peut-être que sa demande de transfert est déjà étudiée pour l'année prochaine. Les coureurs peuvent discuter entre eux mais les directeurs sportifs aussi se parlent entre eux dans les voitures. Il y a des petits arrangements pour savoir qui va rouler dans tel groupe, avec combien et pour combien de moi. Le mois de juillet est idéal pour parler de son prochain contrat et capitaliser sur les réussites du Tour. Depuis le début du Tour, je n'ai pas eu besoin de vendre mes services à une autre équipe ou un leader. 1) Marc Madiot apprécierait moyennement 2) je suis encore sous contrat pour deux ans supplémentaires avec la FDJ. Et sans agent pour pourrir la vie de mes dirigeants avec une demande d'augmentation."