Terres de mission #27

Terres de mission #27

De la canicule australienne à la neige du Tour Méditerranéen, Jérémy Roy a connu un premier mois de compétition aussi dépaysant que déconcertant.

Avec la mondialisation, le cycliste professionnel est un peu un missionnaire. L'UCI a lancé son plan pour convertir de nouveaux territoires et il y a des missions qu'on accepte plus facilement que d'autres. Le Tour Down Under était le terrain idéal pour la reprise : en Australie, on a trouvé une météo estivale pour nous sortir de la torpeur de l'hiver, de belles terrasses pour prendre le café au soleil et une heureuse chaleur pour nous accompagner en course. Surtout, au bord de la route, on a rencontré un vrai public de supporters et de connaisseurs. Les années précédentes, il y avait eu l'effet Armstrong avec son retour en compétition en 2009 et sa deuxième retraite en 2011 mais le public est resté fidèle. C'est agréable de partir sur ces terres où le vélo se développe. Dans la même logique, je me verrais bien au Tour de Californie, en Tunisie et en Afrique du Sud.

Dans le désert du Qatar, les spectateurs sont un mirage

La semaine dernière, mes collègues sont partis pour une tournée au Moyen-Orient, au Qatar puis à Oman. Ils y ont trouvé la même météo qu'en Australie mais pas la ferveur populaire. Plus de chameaux au bord de la route que de spectateurs, on dirait. Là-bas, la mission pour installer le cyclisme dans le paysage sportif prendra sûrement plus de temps. On en reparle dans 10 ans ? La mission sera aussi ardue en Chine, j'imagine. On a appris la semaine dernière que l'UCI ajoutait une course (le Tour de Hanghzou) en fin de saison après le Tour de Pékin. Je ne sais pas si j'ai envie d'y participer. On m'a raconté la pollution, les bords de route déserts et les problèmes de nourriture où on risque de trouver des produits interdits. Je n'ai pas envie de voyager avec des boîtes de conserve pour trois semaines. Mais comme la course devrait faire partie du World Tour, les équipes devront envoyer leurs meilleurs coureurs pour marquer des points qui pourront valoir cher en fin de saison. Je vis avec mon temps, la mondialisation fait partie du cyclisme mais je regrette en même temps que des courses historiques comme Paris-Tours disparaissent du World Tour.

Il n'y aucune jalousie de ma part mais pendant que certains prenaient le soleil au Qatar - mais aussi le vent et les bordures que j'aime moins -, le retour en Europe a été difficile avec deux semaines terribles de froid polaire et de neige. Je ne conseille à personne de rouler sur du verglas ou de se frotter aux congères. J'ai laissé le vélo de course au garage, j'ai ressorti le VTT et j'ai enfourché le home trainer pour des grosses séances de transpiration. C'est la période où je voulais faire du volume avant Paris-Nice et je ne suis pas vraiment en avance. Je compte encore sur le Tour du Haut-Var et notre semaine de stage à Draguignan pour accumuler les kilomètres. En tout cas, il ne fallait pas compter sur le Tour Méditerranéen pour faire tourner le compteur. Avec le froid, toutes les étapes ont été amputées. Dans ces conditions, les organisateurs ont fait de leur mieux en improvisant des alternatives. Le dernier jour, après l'enneigement du Mont Faron, une arrivée a été vite installée au col de Gardes, marquée par un drapeau tendu en travers de la route et une ligne tracée à la va-vite. Un peu perturbant pour le public mais les cyclos les plus courageux nous attendaient à l'arrivée. J'ai bien regardé : il n'y avait pas de chameaux.